Emmanuelle et Guillaume Froger, producteurs à Sainte-Gemmes-sur-Loire, invitent à contrôler l’origine des fleurs.
Longtemps, nul ne s’est inquiété de risquer sa vie en achetant des fleurs. Mais depuis que la justice a établi un lien entre la leucémie de la jeune Nantaise Emmy Marivain - emportée par la maladie en mars 2022 à l’âge de 11 ans - et le métier de fleuriste de sa maman, exposée de longues années aux résidus de pesticides contenus dans les fleurs qu’elle manipulait, le doute s’est instillé dans les esprits. Cette méfiance nouvelle des consommateurs, Guillaume Froger (53 ans) la comprend mais il aimerait que les acheteurs ouvrent dorénavant les yeux en se rendant chez leur fleuriste.
Avec sa sœur Emmanuelle (49 ans), il est à la tête de Froger Fleurs à Sainte-Gemmes-sur-Loire, la dernière entreprise du secteur à fournir de la fleur coupée aux commerçants du grand ouest. Sur une surface de douze hectares, dont cinq recouverts de serres, ils cultivent roses, gerberas, lys, chrysanthèmes, giroflées, tulipes, pivoines et autres renoncules sans pesticides. Depuis 25 ans, l’entreprise familiale (ils incarnent la troisième génération) a choisi de faire confiance aux « agents de biocontrôle » pour s’attaquer aux parasites. Contre les pucerons qui pullulent, ses salariés libèrent des hordes de coccinelles. Face aux microscopiques araignées rouges, ils appellent au secours les phytoseiulus persimili, redoutables chasseurs d’acariens. Et contre les thrips, qui décolorent les roses, ils font confiance aux amblyseius cucumeris.
Quatre millions de fleurs par an
Ça nous coûte entre 2 500 et 3 000 euros par semaine , explique Guillaume Froger (53 ans) en montrant le bon de livraison de la société Bioline AgroSciences. La chimie coûte presque moitié moins cher mais notre ADN, c’est d’être fier de notre produit. On n’est pas des empoisonneurs , dit-il, irrité par la distorsion de concurrence avec les fleurs importées d’Équateur, de Colombie, du Kenya ou d’Éthiopie. Elles sont traitées avec des produits qui sont interdits ici et il n’y a pas d’origine indiquée dans les magasins. Les fleuristes vont devoir être aussi responsables que nous. Il faut rassurer les clients.
Froger Fleurs a justement figuré parmi les pionniers de la marque de territoire « Produit en Anjou » afin de valoriser la filière locale. Il y a toute une génération de fleuristes qui sont convaincus comme nous de la dangerosité de certains produits et ils ont bien compris que leurs clients se font un avis , nuance Emmanuelle Froger, chargée de la partie commerciale.
Frère et sœur aimeraient aussi que leur combat pour la lutte biologique soit soutenu par les pouvoirs publics. C’est le cas pour les maraîchers nantais, mais pour nous, que dalle ! . L’entreprise, qui emploie 40 salariés, produit 4 millions de fleurs par an et réalise 5 millions d’euros de chiffre d’affaires, ne fait pas que produire, elle fait aussi du négoce afin de proposer à ses clients fleuristes une gamme de fleurs plus complète. Notre activité, c’est 60 % de production et 40 % de négoce , résume Emmanuelle Froger. Sur ces 40 % de fleurs achetées en Hollande et revendues aux fleuristes, impossible de savoir lesquels contiennent des pesticides. Un cas de conscience. Mais l’entreprise, qui vacillait sur ses bases à la fin des années 2010 avant d’être requinquée après la période Covid, sait que l’équilibre est fragile et qu’il ne faut pas mettre toutes ses fleurs dans le même bouquet.
Autour d’Angers, il y a eu jadis jusqu’à une centaine de producteurs de fleurs coupées. Les Froger pensent que cette période n’est pas forcément révolue et que, comme pour les fruits et légumes, le retour à des produits sains cultivés localement peut enclencher un mouvement vertueux. Si ceux qui s’y mettent commencent à gagner un peu de sous, ça ne va pas tarder à se développer.
Yves Tréca-Durand
Article paru dans Le Courrier de l’Ouest 29 mars 2025 (lire l'article)
Emmanuelle et Guillaume Froger sont à la tête de l’entreprise familiale qui, depuis 25 ans, a choisi de se passer des pesticides pour faire appel à des « agents de biocontrôle »
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